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Rencontre avec Benoit Joubert, agent chez Allo Floride

Nathan Lahiguera 1 décembre 2020
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Benoit Joubert

Benoit Joubert © Allo Floride

Depuis son bureau basĂ© Ă  Lyon, Benoit Joubert agent (booking) chez Allo Floride revient pour nous sur ses expĂ©riences professionnelles et sa vision post COVID sur l’industrie musicale.

Peux-tu te présenter et expliquer ton métier en quelques mots ?

Je m’appelle Benoit Joubert, je suis actuellement agent au sein de la sociĂ©tĂ© Allo Floride. Mon mĂ©tier consiste Ă  reprĂ©senter des artistes et des spectacles sur le cĂŽtĂ© live : organisation de tournĂ©es, mise en place des productions de type concert. C’est essentiellement sur cette activitĂ© que se concentre mon mĂ©tier, s’ajoute Ă  cela du conseil qui demande beaucoup de connaissances annexes de l’ordre du publishing, du management, sur la crĂ©ation d’un entourage dĂ©diĂ© aux artistes qui sont Ă  la base de toute notre activitĂ©.

Logo Allo Floride

Allo Floride, c’est quoi ?

C’est une sociĂ©tĂ© qui existe depuis huit ans, dont les deux membres fondateurs sont Thomas Lefrançois et David Leblanc. Ils sont les dirigeants de notre structure. Allo Floride se compose de trois pĂŽles : un pĂŽle Live qui s’occupe donc essentiellement de la production de nos artistes et des tournĂ©es, un pĂŽle Artist Services (Label/Distribution/Management) et le pĂŽle Eat & Drink, dĂ©diĂ© Ă  l’exploitation de lieux, Ă©phĂ©mĂšres ou non, et la mise Ă  disposition de services de restauration auprĂšs d’autres lieux et/ou d’Ă©vĂ©nements .

Pourquoi avoir choisi l’industrie musicale ? D’oĂč vient ta passion pour ce milieu ?

J’ai choisi cette industrie par passion pour la musique mais aussi par goĂ»t artistique, je pense comme beaucoup dans nos mĂ©tiers. Cette passion vient du fait d’avoir pratiquĂ© moi-mĂȘme la musique Ă  partir de mes dix ans. D’abord dans d’une Ă©cole de musique puis avec un groupe amateur par la suite, c’est vraiment la pratique de la musique qui m’a plongĂ© lĂ -dedans.
La passion du mĂ©tier est venue parce que j’ai trainĂ© pas mal dans des concerts, j’ai aussi Ă©tĂ© bĂ©nĂ©vole dans des festivals et dans des salles. Petit Ă  petit tu veux mieux accueillir les artistes, tu prends des initiatives, tu t’intĂ©resses Ă  ce qu’il se passe de l’autre cĂŽtĂ© de la scĂšne, tu as envie de soutenir ces artistes. C’est l’ensemble de toutes ces expĂ©riences qui a donnĂ© naissance Ă  cette passion.
AprĂšs de multiples aventures dans diffĂ©rentes structures, au bout de cinq ou six ans en tant que professionnel, c’est tout simplement par rĂ©seau que j’ai fait la connaissance des dirigeants d’Allo Floride ; par accointance sur la vision artistique et structurelle, nous nous sommes retrouvĂ©s pour que je participe Ă  l’aventure.

À partir de quel moment un artiste peut et doit faire appel à toi ou à un agent ?

Cette question est Ă  prendre au cas par cas, car les agents ont leur propre sensibilitĂ© sur un projet artistique ou autre. AprĂšs l’artiste en soi peut faire appel Ă  un agent Ă  n’importe quel moment, c’est plus l’agent qui peut correctement dĂ©cider de dĂ©fendre ou non un artiste et son projet. Il y a tout de mĂȘme quelques basiques Ă  suivre, comme dĂ©jĂ  se faire reconnaĂźtre en local, par sa salle et ses acteurs proches via des dispositifs d’aides au dĂ©veloppement (tremplins, etc).
À chaque agent son rĂ©seau, sa sensibilitĂ© artistique, sa capacitĂ© Ă  investir son temps, son enthousiasme, Ă  investir de l’argent de la structure sur le nom d’un artiste. C’est vrai que l’artiste nous sollicite souvent Ă  tous les moments (Ă  son dĂ©part, lorsqu’il commence Ă  monter ou lorsqu’il est dans un dispositif local).
Ça se fait un peu des deux cĂŽtĂ©s, on est trĂšs sollicitĂ© et justement en tant qu’agent on analyse le moment pour savoir oĂč les artistes en sont, pour situer si l’on peut les accompagner au mieux. Il y a un temps de dĂ©veloppement, d’investissement qui est nĂ©cessaire et il faut ĂȘtre capable de servir correctement le discours et le projet de l’artiste car si tu le fais qu’à moitiĂ©, ça ne le fera pas du tout.

Le groupe La Fine Equipe (Live)

Benoit Joubert s’occupe du groupe La Fine Equipe  © Bertrand Vacarisas

Quelles sont les qualitĂ©s d’un bon agent ?

Être authentique, ĂȘtre confiant dans ses choix artistiques. Mais aussi courageux, car parfois tu pars sur des petits projets qui nĂ©cessitent beaucoup d’investissement. Les qualitĂ©s pour ĂȘtre un bon agent sont des qualitĂ©s de bon sens. En Ă©tant plus pragmatique, il faut avoir un rĂ©seau qui puisse ĂȘtre le bon match avec l’artiste que tu accompagnes. ConnaĂźtre et maĂźtriser un budget de tournĂ©e, de concert, le langage technique est un plus, avoir une connaissance administrative circonstanciĂ©e sur les coĂ»ts d’une production Ă©galement. Enfin, il faut avoir une vision globale sur le marchĂ© et l’entourage de l’artiste pour l’accompagner au mieux.

Cette année a été trÚs spéciale, comment as-tu vécu cette période sous COVID-19 ?

Cette annĂ©e Ă©tait trĂšs particuliĂšre, un sentiment d’impuissance s’est peu Ă  peu installĂ©. On est sur une crise sanitaire
 Tant qu’il n’y a pas de rĂ©ponses scientifiques face Ă  ça, on ne peut agir que trĂšs difficilement.
La plupart de nos tournĂ©es ont Ă©tĂ© annulĂ©es ou reportĂ©es. Quand tu le fais une fois, deux fois, trois fois
 C’est vrai que c’est fatigant, le plus difficile c’est de devoir travailler parfois pour rien. Sans rĂ©sultat, sans que tes artistes puissent se reprĂ©senter devant un public


Au-delĂ  de l’impact dans le milieu musical, il y a-t-il eu un avant et un aprĂšs COVID pour ton mĂ©tier ? Quels sont les changements auxquels tu as dĂ» faire face ?

Un avant, c’est sĂ»r il y en avait un
 un aprĂšs je pense qu’il y en aura un ! Ça ne sera pas comme avant, j’ose penser que ce sera nouveau dans la dĂ©marche de chacun, que ça soit du cĂŽtĂ© des acheteurs ou des vendeurs dont je fais plus partie. J’espĂšre un travail en bonne synergie d’un cĂŽtĂ© comme de l’autre.
La rĂ©ponse aprĂšs COVID, ça sera de connaĂźtre les enjeux de chacun (les festivals, les salles) et de notre cĂŽtĂ© les enjeux que l’on peut avoir sur les productions que l’on a lancĂ©es ou que l’on lance avec nos artistes.
Discuter peut-ĂȘtre moins frontalement mais de maniĂšre plus approfondie pour rĂ©flĂ©chir et jouer le jeu ensemble. Il y a dix ans notre mĂ©tier c’était de formaliser des tournĂ©es, faire tomber des dates
 Aujourd’hui Ă  mon sens c’est avoir des dates qui amĂšnent du sens Ă  l’artiste. Qui lui permettent de se reprĂ©senter face Ă  un public dont on situe mieux l’engagement, dans un lieu ou un Ă©vĂ©nement qui envoie le bon signal sur l’image et les valeurs de l’artiste. L’idĂ©e, dĂ©jĂ  bien installĂ©e, sera de ne plus produire un artiste n’importe oĂč, n’importe quand, devant n’importe qui.

Quels sont les conseils que tu pourrais donner à un artiste qui souhaite se lancer aujourd’hui ?

Beaucoup, car il y a beaucoup Ă  faire quand on se lance ! Maintenant le meilleur conseil si je dois en choisir un, ça serait de vraiment bien choisir son entourage. Quand tu te lances et que tu as la capacitĂ© artistique de choisir cette trajectoire comme une trajectoire professionnelle, il y a forcĂ©ment un entourage qui doit se crĂ©er. Il faut prendre le temps de choisir les gens avec qui tu vas travailler au quotidien. C’est primordial d’avoir un bon feeling, une bonne comprĂ©hension de chacun, des enjeux, des mĂ©tiers.
C’est la base de tout bon dĂ©part que d’avoir un bon entourage pour sentir que tu fais partie d’une famille qui te soutient et qui sera lĂ  tout le temps, le long de ta carriĂšre !

Quels sont les artistes que tu as accompagnés et quels sont tes futurs projets ?

Je ne vais pas m’exprimer sur mes projets futurs, je le garde pour moi pour le moment, c’est mon cĂŽtĂ© pragmatique. Cette pĂ©riode de COVID nous a permis de nous concentrer sur des idĂ©es et des signatures futures. De discuter pour connaĂźtre les tenants et les aboutissants de certains projets.
Quand je suis arrivĂ© chez Allo Floride, je m’occupais de beaucoup d’artistes internationaux et peu de Français. C’est souvent avec les Français que l’on lance des tournĂ©es en production (qu’on investit dans la production d’un spectacle), qui est le mĂ©canisme le plus passionnant pour moi parce que l’on imagine des stratĂ©gies et que l’on se doit d’ĂȘtre crĂ©atif. Comme je te le disais, j’avais pas mal d’artistes internationaux, chose qui s’est un peu amenuisĂ© avec le temps pour me concentrer sur des artistes francophones, et par consĂ©quent en production pour arriver essentiellement sur du dĂ©veloppement et du repĂ©rage d’artistes. Notamment pour ClĂ©ment Bazin et le groupe Diva Faune.
Il faut adopter une stratégie par artiste, personnalisée selon leurs envies. Je suis actuellement sur une dizaine de projets, je suis bien occupé !

Pourquoi avoir accepté de faire cette interview ? 

J’allais te dire que l’on a le temps en ce moment, et que c’est pour ça que j’ai acceptĂ© de caler cette interview. Mais en vrai, c’est important de transmettre des idĂ©es, des compĂ©tences, du savoir-faire pour que ça passe Ă  d’autres. Ça ne peut se faire que par l’échange, dans une interview, pendant un dĂ©jeuner ou autre. J’ai acceptĂ© de faire cette interview parce que c’est un exercice auquel j’ai envie de me prĂȘter de plus en plus. De faire savoir que je fais ce mĂ©tier pour transmettre Ă  quelques-uns, et qui sait, dans dix ou quinze ans se seront eux qui auront envie de transmettre leurs connaissances.

Propos recueillis par Nathan Lahiguera

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